Conciliation : vers la pérennisation des dispositions de circonstances ?
Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, trois ordonnances ont créé un droit des entreprises en difficulté d’exception : 27 mars, 20 mai et 25 novembre 2020. La prolongation du délai de la conciliation et la suspension des poursuites en constituent deux mesures emblématiques.
- Prolongation des délais des conciliations :
Tout d’abord, l’ordonnance du 27 mars 2020, modifiée par l’ordonnance du 20 mai 2020, a supprimé le délai de carence de 3 mois entre deux conciliations.
Elle a par ailleurs instauré une prolongation automatique de 5 mois de toutes les conciliations en cours au jour de son entrée en vigueur et celles ouvertes entre cette date et le 24 août 2020.
Cette mesure pouvait toutefois avoir un effet contre-productif. Un délai trop long peut engendrer le risque d’un rallongement excessif d’acceptation de la solution proposée.
Néanmoins, des praticiens soulignaient que pour certains dossiers significatifs la durée de 5 mois est trop courte et oblige à enchaîner les procédures préventives.
Désormais l’article 1 de l’ordonnance du 25 novembre 2020 précise que la durée de la conciliation peut être prorogée à la demande du conciliateur, sans pouvoir excéder 10 mois, par décision motivée du président du tribunal. Ce texte s’applique aux procédures ouvertes à compter de son entrée en vigueur ainsi qu’aux procédures ouvertes après le 24 août 2020.
- Suspensions des poursuites en conciliation :
– Suspension ciblée des poursuites :
L’article 2 de l’ordonnance du 20 mai 2020 permet une suspension ciblée des poursuites pendant la conciliation et simplifie la procédure d’obtention des délais de grâce. La loi d’accélération et de simplification de l’action publique proroge ces mesures jusqu’au 31 décembre 2021. Les garants ne peuvent se prévaloir de cette mesure.
– Suspension générale des poursuites :
La Directive 1023/2019 prévoit la suspension des poursuites individuelles à l’encontre du débiteur en période de négociation d’un plan de restructuration dans le cadre de restructuration préventive.
Or, si la conciliation est considérée comme un cadre de restructuration préventive par la loi de transposition de la Directive, son régime devrait être amendé pour établir une suspension généralisée des poursuites.
Toutefois, plusieurs arguments s’opposent à cette suspension généralisée. En effet, le mécanisme de conciliation perd son caractère volontaire, ce qui le rendrait moins attrayant pour le débiteur et les créanciers,
Par ailleurs, l’utilité de la suspension des poursuites pose question dans la mesure où en pratique, les créanciers acceptent la suspension de l’exigibilité de leurs créances dans le cadre des négociations entreprises sous l’égide du conciliateur.